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BOILEAU.

reste, on ne fait plus de difficulté de le reconnaître aujourd’hui ; et depuis que l’effervescence romantique s’est calmée, et que la liberté de l’art est assurée, nous ne trouvons plus grand intérêt à réclamer ni à pratiquer le mélange des genres. Ils nous paraissent subsister en eux-mêmes, et tirer leurs lois principales de leur définition, qui dépend elle-même des objets et des effets qui leur sont assignés.

Nous n’en reviendrons pas pour cela à la réglementation rigoureuse, et par là même arbitraire, de Boileau. Nous admettrons que, certaines formes littéraires étant liées à certains états d’âme et à certains moments de la civilisation, il y ait des genres qui naissent, comme il y en a qui périssent ; par exemple, le drame bourgeois est légitimé par la même transformation sociale qui semble avoir mis la tragédie hors d’usage. Il en est des genres comme des langues : ce qui se fixe, c’est ce qui meurt, et les genres ne vivent que par une adaptation, c’est-à-dire une transformation continuelle ; dans cette évolution, ils semblent périr lorsque leur principe de vie abandonne la forme qui les caractérisait pour en revêtir une autre, qui fera la même fonction, sans pourtant avoir rien de commun en apparence avec ce qu’elle remplace. On ne concevra point non plus les genres comme des systèmes fermés, sans rapport et sans dépendance réciproques, se juxtaposant sans se pénétrer à la façon des tourbillons de Descartes. De même qu’il se fait des transpositions d’art, et qu’on peut essayer