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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/146

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BOILEAU.

absolu, si on le détache complètement de toutes les réalités qui le pressent, le précèdent ou le continuent, pour l’exprimer dans un genre rigoureusement déterminé. Nous demandons que l’artiste nous fasse apercevoir ces transitions, et comme ces amorces qui aident l’imagination à réintégrer l’objet isolé par convention dans le tout dont il est une pièce, qu’il nous indique l’incessante transformation des choses et les aspects multiples de la vie, au lieu de nous la rendre appauvrie et figée dans l’abstraction. On ne peut donc conserver aux genres la rigoureuse unité et l’absolue simplicité où ils se renfermaient autrefois : nous ne serions pas éloignés d’admettre que le changement et la contradiction sont marques de réalité. Enfin il y a si longtemps que les genres servent dans notre littérature vieillie, nous en avons tant vu les lois et les règles tourner, aux mains des faiseurs, en procédés qui dispensent de regarder la nature, nous avons tant vu de pièces bien faites, où il n’y avait pas un mot de senti et de vécu, que nous en sommes venus à prendre volontiers l’inexpérience technique pour une marque de sincérité : il nous semble que l’artiste qui bouscule les genres et leurs lois doive nous étaler la nature toute pure et toute nue.

La distinction des genres, que nous estimons trop absolue aujourd’hui, a pourtant eu pour Boileau ce bon effet de l’obliger à se représenter le propre et l’essence de chaque genre : et l’on peut s’assurer, à propos de l’ode, que cette recherche lui a fait entre-