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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/147

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

voir ce que ni son tempérament, ni son expérience, ni ses principes ne pouvaient lui révéler. Il n’a pas su définir la poésie lyrique : il n’a pas vu que presque tous ces petits genres, qu’il énumérait un peu minutieusement dans son second chant, n’avaient de valeur et de réalité que par l’élément lyrique qu’ils renferment. Il réduit le lyrisme à l’ode, et là, il n’atteint pas dans son fond l’inspiration de Pindare, et s’arrête à dresser un catalogue des sujets. Mais à lire Pindare, et même Horace, Boileau sent bien qu’il y a là quelque chose de particulier, qui ne se trouve point ailleurs. Il se trouve en présence d’une forme que nulle autre poésie ni aucun genre d’éloquence ne lui présentent. Aussi définira-t-il l’ode par la forme qui est tout ce qu’il en peut toucher ; il en notera la « magnificence des mots », les « figures audacieuses » ; il dira :

Son style impétueux souvent marche au hasard ;
Chez elle un beau désordre est un effet de l’art.

Il est de tradition de se moquer de ces vers : c’est un tort. Ils prouvent que Boileau n’a pas dressé sa théorie de l’ode d’après l’ode oratoire de Malherbe. Et de même Perrault a tort de ne pas comprendre que Pindare « sort de la raison afin de mieux entrer dans la raison même ». Si la raison, c’est la conformité à la nature, Pindare, par l’excès de ses figures, par le décousu de son style, semble sortir de la nature, mais c’est pour se conformer à la nature de l’ode. On ne parle pas naturellement