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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/151

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

tendance fâcheuse et des partis-pris contestables. On entend Boileau parler sans cesse d’« élégance » et de « noblesse ». On voit que la simplicité de l’églogue ne va pas sans parure, que la tragédie use des vers « pompeux » ; que l’épopée « orne » et « embellit » tout, qu’elle a le style « riche », « pompeux » et même « élégant » ; et qu’il ne faut point recevoir les sujets chrétiens parce que les vérités de la foi

D’ornements égayés ne sont pas susceptibles.

On lit que la comédie « badine noblement » et que Molière trop grossier ne vaut pas l’exquis et fin Térence. On se rappelle que pour justifier Homère et Pindare, Boileau ne trouvait rien, sinon qu’en grec les mots âne et eau sont très nobles. Tout cela nous inquiète : et quand il réclame ensuite partout la simplicité et le naturel, on craint qu’il ne mette pas sous ces mots la même chose que nous. On a peur que ce naturaliste ne se plaise qu’aux imitations enjolivées de la nature, et que la vérité qu’il aime ne soit pas la vérité toute franche, belle de sa nudité vivante et savoureuse, mais un bénin reflet de vérité, doucement tamisée pour les yeux délicats par les voiles coquets du bel esprit. Pour parler crûment, on croit sentir que la « beauté » de l’expression va farder et fausser la nature.

Il faut convenir que le xviie siècle n’entendait pas comme nous le naturel et la simplicité. La nature humaine, d’abord, affinée par la vie de cour et la