Aller au contenu

Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
BOILEAU.

à chaque genre. C’est le vers, c’est le style, c’est la beauté des rimes et des rythmes, la propriété et l’énergie des expressions, le bel ordre et la juste proportion des parties, c’est le choix des objets et des signes aptes à produire le plaisir essentiel à chaque genre, c’est tout cela, et rien que cela, qui constitue ces ornements nécessaires, dont la poésie ne saurait se passer. Il ne doit y avoir rien d’inutile dans l’ouvrage : mais chaque pièce doit être si bien tournée et ajustée, qu’une grâce libre enveloppe la nécessité, et que ce qui soutient l’édifice ait l’air d’être mis seulement pour réjouir les yeux. En somme, l’art orne la nature, parce qu’il l’exprime dans des formes conventionnelles, dont l’objet est la beauté autant que la vérité.

Les singulières réflexions de Boileau sur le vocabulaire homérique ou pindarique ne vont pas contre cette interprétation. Elles partent d’un sentiment très fin de la physionomie des mots et de leur valeur expressive, indépendamment du sens brut et littéral inscrit au dictionnaire. Encore ici, Boileau n’a tort que dans les termes, et il parlerait moins gauchement s’il était plus superficiel. Il est certain qu’il est ridicule de dire que le mot « âne » est « très noble » en grec : mais il est très vrai qu’il n’était pas ignoble pour la société, encore primitive, où naquit l’Iliade, et qu’il n’y évoquait pas du tout les mêmes images, les mêmes associations qui déterminent la sensation du public raffiné dont Perrault cherche l’applaudissement. Boileau a donc absolument raison