Aller au contenu

Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
LA CRITIQUE DE BOILEAU.

dénaturer. Entre l’art coquet et l’art théâtral, il cherchait un chemin, tout près de la nature, au-dessus de la vulgarité. Nous savons de quelle énergie il a poursuivi tous ces emphatiques, précieux, fantaisistes, bouffons, qui ne trouvaient pas la réalité assez noble, ni assez délicate, ni assez rare, ni assez plaisante, et quels exemples il a donnés parfois de pur et strict réalisme. Il estime que tout peut se dire élégamment et noblement, et qu’il ne s’agit que de trouver le tour : le tour, ce triomphe de l’art d’autrefois, que nous ne connaissons plus guère. Nous disons crûment les choses, on y conduisait autrefois la pensée avec des ménagements infinis : elles n’étaient pas moins exprimées et senties, mais l’impression caractéristique de la chose traînait avec elle tout un cortège de délicates jouissances, qui naissaient du rapport de l’expression à l’esprit auquel elle s’adaptait. Boileau sans doute a quelque faiblesse parfois pour la rhétorique et ses figures, et estime un peu trop ce qui, dans l’art, est d’institution humaine et représente en soi le sujet plus encore que l’objet. Mais, en général, les ornements dont il parle et que le poète doit ajouter aux choses, ne doivent pas nous faire de peine. Le soin qu’il a de distinguer les faux ornements, l’incessant rappel de l’art à la nature, les préceptes incessamment réitérés d’être simple, et de ne dire que ce qu’il faut, tout nous persuade que ce qu’il entend en somme par orner les choses, ce n’est que les exprimer par les moyens de l’art, et les couler dans la forme propre