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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/16

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BOILEAU.

les principes généraux du droit, et il célébra Domat comme « le restaurateur de la raison dans la jurisprudence ».

Il fallut bien, malgré son dégoût, qu’il entrât chez son beau-frère Dongois, pour se former à la procédure, et qu’il se fît recevoir avocat (1656). Il ne plaida guère, s’il plaida jamais : attendant le client, sans impatience, dans un coin de la Grand’Salle du Palais, il divertissait les clercs de ses saillies facétieuses ou mordantes. Déjà il avait commencé à faire des vers : une tragédie romanesque esquissée au collège, une énigme en vers, deux chansons à boire, un sonnet galant, et des vers latins, tels furent les premiers essais de celui qui devait se montrer impitoyable aux poètes de cabinet, aux doucereux, aux romanesques, aux « latineurs », et à l’abbé Cotin, l’illustre inventeur de l’énigme française. Émule de Chapelain autant que de Malherbe, il s’éleva même jusqu’à l’ode, et lançant l’invective contre les Anglais forcenés, il prédit des batailles navales, des cadavres flottant sur les eaux, et les « baleines du Nord » courant en foule à cette proie. Il paraît que l’on n’enseignait pas encore l’histoire naturelle dans les collèges.

La mort de son père, arrivée en 1657, lui permit de suivre librement sa vocation. Ce poète de vingt et un ans, livré soudain à lui-même après des années de contrainte, se conduisit alors avec une raison singulière : ce fut un mélange de prudence avisée et de dignité fière. D’abord sa liberté ne l’enivra