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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/162

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BOILEAU.

des lois à la poésie. Et selon ces lois, les œuvres se classent d’après leur degré d’universalité et d’intelligibilité : la littérature se construit sur le même plan que la science.

On a bien des fois signalé le rapport étroit qui unit le classicisme de Boileau au rationalisme cartésien : et l’on a eu raison, si l’on retranche du cartésianisme les conceptions aventureuses de sa métaphysique et si on le réduit à un rationalisme scientifique, menaçant de sa rigoureuse méthode tout le surnaturel et tout l’indémontrable. La réduction de la beauté et de l’idéal littéraire à la vérité et à la nature, et du plaisir à la raison, c’est-à-dire au général, le sentiment de l’inaltérable identité de l’esprit humain correspondant à la confiance du savant en sa raison, la condition d’universalité objective et formelle imposée à la poésie, correspondant au principe de la permanence des lois de la nature, l’indépendance de la raison universelle maintenue sous l’autorité du consentement universel, la notion enfin de la vraisemblance, équivalent littéraire de l’évidence mathématique : tout cela est bien conforme à l’esprit de Descartes, et l’Art poétique fait l’effet de n’être qu’une transposition des idées cartésiennes. Il ne faut pas oublier cependant que l’Art poétique est le terme d’une évolution commencée avant Descartes, et par conséquent hors de son influence : il est l’expression complète de l’esprit classique, qui n’a point son origine et sa cause dans l’esprit cartésien ; mais l’esprit classique et l’esprit cartésien