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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/163

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

sont deux effets parallèles et deux manifestations formellement différentes d’une même cause, d’un certain esprit général qui s’est trouvé formé au commencement du xviie siècle d’une association d’éléments et par un concours d’influences dont je n’ai pas ici à tenter l’analyse. Néanmoins nous avons à tenir compte de ce que Boileau fut en effet cartésien, comme son Arrêt burlesque suffit à le montrer, et son cartésianisme, manifestement, n’a pas été étranger à la forme définitive qu’il a donnée à la doctrine classique.

Mais lorsque, amenant la littérature au but qu’elle poursuivait depuis un siècle, il édifia son système, il y fit entrer deux pièces, qui ne lui étaient point fournies d’ailleurs : et ces deux pièces sont ce qu’il y a d’essentiel et de caractéristique dans le système. Elles en font la grandeur et la valeur. L’une, c’est le naturalisme, et l’autre, son idée de la forme artistique. Personne, en France, avant Boileau, n’avait nettement conçu ni formulé ce grand principe de l’imitation de la nature, et tous les mots dont on se servait : vérité, bon sens, avaient en soi un air d’abstraction ou un sens subjectif, qui faisaient glisser la littérature dans la sèche logique, ou l’abandonnaient à la tyrannie du goût individuel et de la mode. Ce grand mot de nature une fois prononcé, l’objectivité, l’impersonnalité, la réalité s’imposaient à l’œuvre d’art. Et c’est en le prononçant qu’il s’acquit d’abord la confiance et le respect de quelques hommes, qui venaient précisément en ce temps-là