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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/170

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BOILEAU.

et affectait de ne voir en ses adversaires que des hommes de collège, « payés et gagés » pour s’enthousiasmer aux heures des leçons sur n’importe quels vers grecs ou latins. Et comme ces régents en robes noires et à bonnets carrés avaient du moins sur lui l’avantage de savoir le grec et le latin, il s’évertuait à démontrer que pour bien juger d’un écrivain, il faut le prendre dans une traduction. Car, disait-il, on voit mieux le sens ; et puis le traducteur a arrangé, amélioré son auteur : le texte est toujours plus défectueux. Supprimer la forme dans l’éloquence et dans la poésie, c’était hardi pour un homme qui prétendait se connaître aux arts.

Non moins habilement, Perrault choisit la forme du dialogue : c’est la plus commode, quand il faut plaire à un public léger ; elle a de plus cet avantage, qu’elle permet à l’auteur aussi d’être léger et superficiel, et que le décousu, le paradoxe, l’affirmation téméraire et sans preuves, tout ce qui invaliderait une exposition dogmatique, se tourne ici facilement en grâces. Perrault donc imagina trois personnages : un Président, savant homme, dit-il, et idolâtre des anciens, à qui il ne put prêter toutefois plus de science qu’il n’en avait lui-même, ni plus d’attachement à l’antiquité, qu’il ne croyait qu’on pût raisonnablement en avoir ; un abbé, savant aussi, mais « plus riche de ses propres pensées que de celles des autres », vraie image de l’auteur qui s’y mire complaisamment, sans se douter que cet autre lui-même a plus d’ignorance que d’esprit, et parmi