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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/177

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

deux sublimes poètes du reproche d’avoir employé des termes bas. Il y a un sentiment fin et juste de la couleur, si l’on peut dire, des expressions et des langues dans la démonstration que Boileau entreprend ; mais la gaucherie de la forme est plus sensible que la vérité du fond, et l’on ne peut s’empêcher de sourire, quand on voit Boileau alléguer Thalès, Empédocle et Lucrèce, pour faire valoir la dignité de l’eau dans l’antiquité, quand il ne veut pas qu’Homère ait parlé du « boudin » : un « ventre de truie », à la bonne heure, voilà qui est noble ; ou quand enfin il aime mieux mettre aux pieds de Télémaque une « magnifique chaussure » que de «  beaux souliers », et maintient obstinément qu’il ne faut pas appeler «  cochons » ou « pourceaux » les animaux de nom « fort noble », en grec, dont avait soin le « sage vieillard » Eumée, qui n’était pas un « porcher ».

On s’explique du reste la mauvaise humeur et la polémique chicanière de Boileau. Il était dans une situation fausse, et toute sa colère venait d’un embarras dont il avait le sentiment plus ou moins obscur. D’abord, pour défendre l’antiquité, il n’était pas un érudit : à un tel point que les érudits lui déniaient même le droit de se faire l’avocat des anciens, et qu’il se trouva pris à un moment entre deux feux, et obligé d’écrire sa Dixième Réflexion contre le docte Huet. Puis, en dépit de tout, il ne pouvait faire qu’il ne fût Français, et Français du grand siècle, épris de politesse et de décence, homme