Aller au contenu

Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
BOILEAU.

de réflexion et de raison. On n’échappe jamais à son temps, et nos défenseurs des anciens étaient au fond « modernes » jusqu’à la moelle. Jugez-en par Racine, un des deux ou trois écrivains du siècle à l’âme desquels la Grèce a vraiment parlé : qui s’attendrait que Racine voulût retrancher du Banquet de Platon, comme inutile et scandaleux, tout le discours d’Alcibiade, ce portrait de Socrate, ce pur chef-d’œuvre où l’enthousiasme et la moquerie se mêlent avec une grâce subtile ? Qu’eût fait de pis Perrault ? Et Boileau, voyez-le tailler, rogner, changer, abréger son Longin, sans autre loi que son goût et le désir d’éviter de la peine à son lecteur, écartant les « antiquailles » (entendez ce qui suppose une teinture d’histoire ou d’archéologie), supprimant ce qui est « entièrement attaché à la langue grecque » (entendez ce qui suppose la connaissance du grec), substituant, dans une citation de Sapho, un « frisson » à une « sueur froide », parce que « le mot de sueur en français ne peut jamais être agréable, et laisse une vilaine idée à l’esprit ». En un mot, il se fait à chaque moment juge du sens et des mots de son auteur, il le « rectifie » sans scrupules, « à la française ». Et voilà comment Perrault trouvait Longin plus beau dans Despréaux que dans Longin même ! Rappelez-vous encore ce « Vous n’avez pas failli, Messieurs », que Boileau lisait dans son Démosthène, au fameux endroit du serment par les morts de Marathon. On conçoit dès lors combien il était difficile à Boileau de tout repousser dans la thèse que soutenait Per-