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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/190

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BOILEAU.

sépare un certain groupe d’esprits, exprime l’idéal d’une école littéraire. On saisit dans ce public, dans certains individus qui en sont les représentants les plus éminents, des indices qui font croire que son goût, sans s’opposer formellement à celui de Despréaux, n’y correspondait pas absolument : en un mot, il s’en distinguait. Voyez Retz refuser de mépriser Chapelain, au temps oii Molière et Boileau le réjouissent de leurs œuvres. Voyez la duchesse de Bouillon, pour qui La Fontaine fait ses Contes, protéger Pradon contre Racine, et Molière avoir pour défenseurs tous ces Turlupins de la cour, derniers adorateurs de la pointe. Mme de la Fayette arrive à la Princesse de Clèves, type du roman classique, fine étude de passion vraie, par Zayde, roman héroïque et précieux, qui amalgame les aventures impossibles et les grands sentiments : elle abrège Mlle de Scudéry avant d’être l’émule de Racine. Les mêmes excellents esprits, qui disent si bien le charme exquis des Fables de La Fontaine, Bussy et Mme de Sévigné, font aller de pair avec ce divin naturel l’esprit glacé des ballets de Benserade. En général la société polie du temps de Louis XIV, qui n’est plus précieuse, cette société de goût exquis et pur, pour laquelle Boileau, Racine, La Bruyère écrivent, est bien pourtant l’héritière de la société précieuse : elle en a dépouillé les ridicules, redressé le goût, mais elle garde sa marque d’origine. Dieu me garde de penser qu’elle saisisse les chefs-d’œuvre des grands écrivains surtout par leurs parties inférieures