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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/191

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

et caduques, et qu’elle n’en sente pas la vraie grandeur et la grâce intime ! Mais il est vrai que ces œuvres lui sont un peu supérieures, et ce que nous y voyons aujourd’hui de défectueux et de mort, fut nécessaire alors pour établir la communication entre elles et le public : c’est par ces formes passagères et fragiles que le monde abordait, par exemple, Bajazet, ou Phèdre, et s’élevait de là aux essentielles et solides beautés du poème.

On trouverait la juste expression du goût moyen et général de la bonne société, pendant le dernier tiers du xviie siècle, dans Bussy-Rabutin et son cercle, tel que sa correspondance nous les montre. Ce grand seigneur académicien, qui avait la passion des lettres, de l’esprit, et du style exact, et qui écrivait avec une précision si fine, encore qu’un peu sèche, ne se rangea jamais complètement au parti de Boileau. Je mets à part ce qui n’est dans sa bouche que saillie d’amour-propre, et hauteur des Rabutin : ainsi lorsqu’il menace de « couper le nez » au satirique, ou qu’au contraire il daigne le déclarer « un garçon d’esprit qu’il aime fort ». Ce qui apparaît dans leurs relations qui ne furent jamais intimes, c’est qu’ils se ménagent réciproquement ; ils s’estiment et se craignent, et ne veulent pas se brouiller ; aussi y mettent-ils du leur tous les deux, Bussy avec un peu de piaffe et de morgue féodale, à son ordinaire. Despréaux, en simple bourgeois qui se tient à sa place. Malgré la conformité fréquente de leurs jugements particuliers, il n’y a pas chez eux com-