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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/196

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BOILEAU.

l’histoire de celle-ci dont elle est un chapitre. L’idée que les étrangers ont eue de Boileau, et qu’ils ont traduite chacun à sa manière, selon son génie et selon les besoins intellectuels de son pays, ils l’ont prise d’abord dans l’opinion que les compatriotes du poète avaient de lui. Ce n’étaient pas les doctrines de Boileau, c’était le goût français, qu’on cherchait dans l’Art poétique : au temps où Voltaire était le plus grand poète de l’Europe, on demandait à Boileau le secret de faire des vers à la mode de la Henriade. Au-dessous de Boileau, comme ses lieutenants ou ses auxiliaires, on investissait d’une autorité pareille à celle qu’on lui attribuait, Le Bossu, Bouhours, Rapin, Fontenelle, Lamotte ; et le même Ignacio de Luzan qui promulgue l’Art poétique en Espagne, y importe le Préjugé à la Mode comme un produit également français, sans s’apercevoir que ce dernier article est prohibé par son code. L’étranger n’a donc adopté Boileau que comme expression du goût français, qui faisait prime et loi, et dans la mesure même où il a été l’expression de ce goût. Nous pouvons donc rentrer en France, et y regarder la fortune posthume de notre critique.

Au commencement du xviiie siècle, les « honnêtes gens » qui avaient applaudi le Misanthrope et Britannicus, et qui savaient les Fables et l’Art poétique par cœur, élevés un moment au-dessus de leur propre esprit par tous ces clairs et insinuants chefs-d’œuvre, sont retournés tout doucement à leur naturel. Une radicale impuissance d’imaginer, qui