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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/20

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BOILEAU.

gens que la satire. Chapelain et Cotin appuyèrent aigrement l’avis d’Arténice et de Julie ». Gilles, qui peut-être avait introduit son cadet dans le fameux réduit, sentit qu’il fallait faire un choix. Il choisit Chapelain : c’était alors de bonne politique. Plus tard il se réconcilia avec son frère, et j’imagine, au contraire de ce qu’on dit, que le succès des Satires ne nuisit pas au raccommodement.

À défaut de protecteurs, notre poète de vingt-trois ans trouva vite des alliés, et à défaut de frère, des amis : Furetière d’abord, esprit mordant et sensé, puis Racine, attiré vers l’homme par la pénétrante justesse de quelques observations critiques qu’on lui rapporta ; puis La Fontaine et Molière, enfin Chapelle, un homme d’esprit à qui son extrême paresse donnait le goût du naturel. De tempéraments très divers, et de talents très inégaux, tous ces nouveaux amis du satirique sont des gens que la littérature à la mode, emphatique ou précieuse, romanesque ou burlesque, ne satisfait plus.

Dans une page charmante du roman de Psyché, La Fontaine a peint cette intimité délicieuse de nos grands écrivains. Mais le bonhomme est poète, même quand il écrit en prose. Il faut ajouter à son aimable tableau quelques couleurs plus crues. Car ces écrivains, que l’admiration de trois siècles a fixés dans une sorte de majesté hiératique, c’étaient les « jeunes » de ce temps-là, et jeunes ils étaient vraiment et d’allure et d’esprit. D’abord, ils avaient la joie, la joie des esprits sains et florissants : le plus