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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/19

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L’HOMME.

entendait en effet, et dans ce temps de polémiques virulentes et d’aigres personnalités, parmi ces gens de lettres hargneux et querelleurs comme des mâtins, nul n’emportait mieux la pièce. Scarron et Ménage en savaient quelque chose, et le prudent Chapelain avait sacrifié de vieux amis, Ménage et Pellisson, pour se faire bien venir d’un si terrible railleur : il l’avait aidé à entrer à l’Académie. Bientôt il le recommandera à Colbert, et lui fera donner 1 200 livres « pour l’encourager à continuer son application aux belles-lettres ». Avoir un frère académicien, et ami de M. Chapelain, c’était une bonne fortune pour un débutant. Despréaux ne semble pas s’en être avisé. Loin de se ménager l’appui de son frère, il se l’aliéna. Des questions d’intérêt les divisèrent. Despréaux mit son frère dans une de ses satires en fort mauvais lieu, et rima des épigrammes contre lui : il eut tort sans doute ; au moins ne l’accusera-t-on pas de souplesse intéressée.

On a dit que Gilles ne put pardonner à son cadet de faire les vers mieux que lui. C’est méconnaître un peu naïvement l’amour-propre des poètes : à la façon dont Gilles parle de lui-même, nul talent ne devait l’inquiéter. Il serait plus vrai de dire que l’auteur des Satires ne pouvait être l’ami de Chapelain et de Cotin, ni de leurs amis. On conte que « Despréaux alla lire une de ses premières pièces à l’hôtel de Rambouillet : il n’y eut pas de succès, et on l’engagea à prendre une espèce de poésie moins odieuse et plus généralement approuvée des honnêtes