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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/205

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L’INFLUENCE DE BOILEAU.

nous sommes tentés d’en faire un révolutionnaire et le précurseur d’un art nouveau. Si l’on a été si longtemps embarrassé de classer André Chénier, si l’on en a fait souvent un romantique en avance d’un quart de siècle sur le mouvement littéraire, c’est qu’on n’apercevait pas combien les prétendus classiques de 1780 à 1820 avaient peu le droit de se dire les héritiers ou les disciples du xviie siècle, de celui de Boileau et de Racine. Chénier, en réalité, ne se distingue de ses contemporains que parce qu’il retourne aux sources du grand art classique. Ce pur poète, qui lit Virgile, Homère et Théocrite avec un exquis sentiment de la nature antique, et qui sait s’éprendre aussi de Malherbe, cet artiste curieux de la forme, qui fait rendre au vers dégradé par tant de spirituels rimeurs de si délicats ou puissants effets de rythme et d’harmonie, n’entend pas précisément l’Art poétique comme l’avaient entendu Racine et La Fontaine ; mais il est à coup sûr plus près de Boileau que de Voltaire ou de Delille.

C’est donc bien à tort que Boileau fut compromis et bousculé dans la bataille romantique. La faute en fut d’abord aux classiques qui se firent de ce grand nom un drapeau et un rempart. Les romantiques furent excusables de tirer dessus : quoique, peut-être, il eût mieux valu arracher aux Baour-Lormian et aux Viennet l’illusion qui les rendait forts, et tourner contre eux le maître et les modèles même dont ils se croyaient les défenseurs. Boileau ne sortit pas indemne de toutes ces polémi-