Aller au contenu

Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
L’INFLUENCE DE BOILEAU.

temps, ce sont les parties conformes au fond à la doctrine de l’Art poétique et les vices intimes ou les difformités apparentes qui ont fait échouer ou périr les écoles ou les œuvres, c’est en général ce qui était condamné implicitement ou expressément par Boileau.

Nous autres Français, nous avons tous Boileau dans le sang, dans les moelles : nous ne saurions nous passer de vérité, d’agrément, de clarté, de précision. Nous ferions bon marché peut-être de l’art, du caractère esthétique, mais non pas de la rhétorique, au bon sens du mot, des qualités de composition et de style qui diminuent l’effort et accroissent le plaisir du lecteur. Nous voulons que l’auteur vienne à nous, et nous n’allons pas à lui ; nous n’y mettons guère du nôtre, et nous lui faisons peu de crédit : à lui de nous prendre et de nous retenir. Nous voulons qu’on nous amuse, fût-ce en nous faisant pleurer ; et nous voulons avoir raison de nous amuser et de pleurer, c’est-à-dire être sûrs que l’auteur ne se moque pas de nous, que ce qu’il nous montre pour nous plaire existe hors de lui et hors de nous, hors de notre sensation actuelle, enfin que c’est arrivé. Et nous nous fâchons, si par réflexion nous estimons que l’objet n’est pas ou est autrement dans la nature. Nous ne regardons pas bien haut ni bien loin : nous sommes plus positivistes que mystiques et métaphysiciens ; nos pensées ne quittent pas la terre, et vont à l’action, aux effets réels, sensibles, et que l’analyse atteint. Nous