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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/38

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BOILEAU.

tion. Il n’était guère dévot en sa jeunesse, lorsqu’il buvait avec Vivonne et soupait chez Ninon. Et cela paraissait dans ses œuvres. Quand il se représentait, naïf croyant pour qui « c’est Dieu qui tonne », en face de l’esprit fort qui

Prêche que trois font trois et ne font jamais un ;


quand il défendait Tartufe contre les « bigots » soulevés, et que dans ce Lutrin d’une ironie vraiment si laïque, il tirait ses effets comiques d’une bénédiction sacerdotale, ou lâchait des traits comme celui-ci :

Abîme tout plutôt, c’est l’esprit de l’Église,


assurément Pradon avait tort de l’accuser d’athéisme, mais assurément aussi il ne pouvait passer pour un chrétien bien fervent, ni surtout pour un janséniste.

En vieillissant, il ne change pas au fond de sentiment. Il a toujours des libertés de pensée et de langage, un penchant à soupçonner le zèle d’hypocrisie, une révolte de la raison contre les sanglants effets des querelles théologiques et de la ferveur religieuse, qui ne sont certes pas d’un dévot. Tels vers de ses derniers temps ont l’accent de Voltaire[1].

Son jansénisme était fait de taquinerie contre les jésuites et d’amitié pour Arnauld et Nicole : il y entrait surtout de purs sentiments d’honnête homme, un

  1. …Périr tant de chrétiens, martyrs d’une diphtongue….
    …Et, sans distinction, dans tout sein hérétique,
    Pleins de joie, enfoncer un poignard catholique.