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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/39

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L’HOMME.

large esprit de tolérance, la haine des faux-fuyants et des équivoques, une sympathique admiration pour la hauteur morale de la doctrine janséniste et pour l’austère vertu de ses défenseurs. Louis XIV, si déclaré contre Port-Royal, ne s’y trompa point, et laissa Boileau manifester ouvertement son attachement au grand Arnauld ; Racine se demandait comment son ami prenait impunément des libertés que lui-même n’eût pu hasarder sans se perdre : c’est que le roi savait bien que Despréaux, quoi qu’il pût dire ou faire, n’était pas de la secte. Et nous le voyons en effet cultiver l’amitié des pères Rapin, Bouhours, Bourdaloue, Thoulier, aussi soigneusement que celle d’Arnauld et de Nicole. Il écrit à Arnauld lui-même qu’il n’a pas pris parti sur le fond de la dispute des Provinciales et dans une lettre à Racine il se moque également de la grâce augustinienne efficace et de la molinienne suffisante. Il se dit molino-janséniste : c’est-à-dire qu’il n’est ni moliniste ni janséniste, ne voyant dans la querelle qu’« une dispute de mots », où l’on ne s’entend de part ni d’autre. Au fond, il ne comprend rien à la fureur des disputes théologiques : son parti à lui, c’est le sens commun, et il n’entre dans le jansénisme que jusqu’où le sens commun le mène.

Et même sa raison, c’est déjà celle qui ébranlera le dogme : s’étonner de l’intolérance, c’est nier au fond l’autorité et l’infaillibilité de l’Église. Boileau avait trop de gravité, trop de respect des traditions et de l’ordre établi, pour embrasser une philosophie