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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/42

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BOILEAU.

littéraire. Ils se consultent souvent sur leurs productions, défiants d’eux-mêmes, et difficiles à contenter ; car ils ont une idée très haute de la perfection, et ne se lassent point qu’ils ne sentent impossible de s’en approcher davantage : ils donnent et reçoivent des avis et des critiques avec une absolue candeur, et jamais l’amour-propre n’a été plus absent du commerce de deux poètes.

La santé de Boileau est un thème aussi qui n’est jamais épuisé. Il avait senti dès 1662 une difficulté de respirer, puis il était devenu asthmatique, et enfin en 1687 il perdait la voix, cette précieuse voix qui lui était si nécessaire pour disputer à l’Académie des Inscriptions contre le suffisant Charpentier à la voix de tonnerre. Sirop d’abricot, lait d’ânesse, tous les remèdes avaient été inutiles : on envoya Despréaux prendre les eaux de Bourbon, de juillet à septembre 1687. Il nous dépeint dans ses lettres les formalités et cérémonies préparatoires à la prise des eaux, saignées, purgations, etc. ; le médecin Tant-Mieux attestant une amélioration que le malade ne sent pas, et l’apothicaire sourd qui lui affirme que la voix lui revient ; la tragique affaire du demi-bain, et les disputes des médecins dont les uns lui ordonnent de se baigner s’il veut guérir, elles autres le lui défendent s’il tient à la vie ; l’épreuve angoisseuse de ce bain, « ses valets faisant lire leur frayeur sur leurs visages, et M. Bourdier s’étant retiré pour n’être pas témoin d’une entreprise aussi téméraire » ; l’éclatant monosyllabe qu’il articula en sortant de l’eau, et que