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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/43

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L’HOMME.

jamais il ne put arriver depuis à faire sortir une seconde fois de son gosier ; enfin son retour à Paris, et toutes les recettes dont il essaye, sans confiance et jamais tout à fait sans espoir, tisane d’érysinum, grains de myrrhe transparente, et même simple eau de poulet, qui avait rendu la voix à un chantre de Notre-Dame : tout cela fait une comédie digne de Molière.

Il ne faut pas croire que la maladie rendît Despréaux fort morose. S’il s’était à peu près retiré du monde, il ne menait pas triste vie dans sa maison d’Auteuil, qu’il avait achetée en 1685 et qu’il posséda vingt ans. Il n’y passa plus l’hiver après 1687, mais chaque année, aux beaux jours, il s’y installait avec joie. Il aimait la société et recevait de nombreuses visites. Racine appelait la maison d’Auteuil une « hôtellerie », tant il y passait de gens. Un jour, Bossuet y venait entendre l’épître sur l’Amour de Dieu ; un autre jour, La Bruyère y lisait ses Caractères, ou d’Aguesseau s’y arrêtait en revenant de Versailles. Ou bien c’était un jésuite, Bouhours ou Thoulier, à qui le poète envoyait son carrosse pour l’amener dîner. Le maître du logis aimait toujours la bonne chère et les propos autour de la table : ses convives étaient parfois des courtisans, Pontchartrain le fils ou le marquis de Termes, plus souvent quelques voisins, et de bons amis, le chirurgien Félix, le musicien Destouches, l’abbé de Château-neuf, ancien ami de Ninon, qui vers ce temps-là fut parrain du fils du notaire Arouet. Il accueillait tous