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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/44

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BOILEAU.

les Lyonnais de distinction qui venaient à Paris, reconnaissant envers leur ville des bons intérêts qu’elle lui servait depuis tant d’années qu’il y avait placé ses fonds. En 1698, il reçut un jeune avocat de vingt-sept ans, Brossette, son admirateur passionné, qui lui demanda son amitié, et lui soumit le projet qu’il avait fait de commenter toute son œuvre pour l’utilité de la postérité : ce fut le commencement de leurs relations et de leur correspondance. En 1702, Brossette revient à Paris : il court à Auteuil, un dimanche, vers dix heures du matin. Le poète est à la messe ; il l’attend en faisant causer Antoine, le jardinier qu’une Épître avait illustré. Despréaux arrive, récite de ses vers ; on dîne, on médit d’une tragédie de La Serre ; et en prenant le café sous un berceau, dans le jardin, la conversation tombe sur la déclamation dramatique : Boileau, évoquant les souvenirs d’un temps qui lui est cher, montre comment la Champmeslé disait un vers du rôle de Monime, ou Molière une tirade du Misanthrope.

Mais celui qu’on vit le plus souvent à Auteuil jusqu’en 1699, ce fut Racine. Il y venait dîner avec des amis communs et causer belles-lettres ; ou bien il amenait sa petite famille, et Boileau, dépouillant sa gravité, jouait avec les enfants aux quilles, où il se piquait d’être de première force, ou les menait promener dans le bois de Boulogne. Il remplaçait à l’occasion le père absent, corrigeait les versions de Jean-Baptiste, et lui formait le jugement en le faisant causer. Il remplaça même le père mort, comme ce