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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/47

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L’HOMME.

blement ; il ne se lassait pas de répondre aux questions ; il demandait que le commentaire fût « une imperceptible apologie ». L’amour-propre du poète surnageait en lui, plus robuste et plus aigu qu’on ne l’eût jamais soupçonné. Il attache du prix aux plus fades bagatelles dont il est l’auteur, un mot dit tel jour au roi, une saillie faite à Bâville en telle circonstance, une épigramme, une chanson, un sonnet. Selon qu’il est plus froid ou plus complimenteur, Brossette n’entend rien à la poésie, ou bien a le goût exquis. Le jour où il se permet de critiquer Boileau et de trouver passables des vers de Charpentier, ce jour-là, il n’est qu’un sot.

Boileau revenait sur sa vie passée sans chagrin et sans attendrissement. Il ne semblait rien regretter ni rien désirer. Il mourut enfin le 13 mars 1711, assisté de son confesseur l’abbé Lenoir, chez qui il demeurait, et pourtant peut-être plus en philosophe qu’en chrétien. Interrogé sur son état, il répondit par un vers de Malherbe :

Je suis vaincu du temps, je cède à ses outrages.


Et voyant entrer un de ses amis, un moment avant d’expirer : « Bonjour et adieu, lui dit-il ; l’adieu sera bien long ». Il léguait diverses sommes à ses domestiques, et une bonne partie de son bien, 50 000 livres, « aux pauvres honteux des six petites paroisses de la cité ». Il ne faisait pas de fondation pieuse.