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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/54

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BOILEAU.

Réflexions sur Longin n’appelait-il pas au jugement de l’oreille, pour prononcer s’il y avait quelque part du sublime ? n’en revenait-il pas toujours, pour faire admirer un passage de la Genèse, à « la douceur majestueuse des paroles », et ne demandait-il pas seulement, pour que tous les esprits en reconnussent la beauté, « une bouche qui les sût prononcer », et « des oreilles qui les sussent entendre » ?

Si étrange que le rapprochement puisse paraître, Boileau se place ici tout à fait au même point de vue que Flaubert, faisant passer toutes ses phrases par son « gueuloir » pour en vérifier la perfection. Et en même temps, si l’on admet une fois que son instrument est le vers classique, on sentira qu’il est dirigé par le même principe, par la même conception de la forme poétique, que les Gautier et les Banville. Il choisit ses mots, non comme signes, mais comme sons, et par les rimes, les coupes, les rythmes, il s’efforce de donner au vers une forme sensible capable de susciter une impression déterminée.

Il n’a pas l’œil moins exercé que l’oreille. Il voit les choses concrètes, et il en rappelle l’image. On a tort de croire que l’imagination ait manqué à Boileau ; il a du moins celle-là, qui n’est que souvenir et rappel des sensations anciennes. Il l’a constamment : l’idée tourne naturellement chez lui en image. Ce n’est pas procédé de littérateur rompu au métier d’écrivain : c’est vraiment vision, sensation présente ou ravivée. Nous n’y songeons pas, habitués que