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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/56

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BOILEAU.

Et tous les mauvais ouvrages qui sont livrés à notre dérision ne paraissent jamais dans l’idée abstraite de leur titre : ce n’est pas la médiocrité de la poésie que l’on conçoit, on voit le livre de rebut, sa reliure, ses feuillets ; c’est le triste bouquin que nous avons tant de fois rencontré sur le quai, « demi-rongé », ou « commençant à moisir par le bord », ou tout poudreux et recroquevillé. Au dernier degré de misère et d’ignominie, c’est la feuille d’impression qui nous arrive empaquetant nos emplettes :

… Et j’ai tout Pelletier
Roulé dans mon office en cornets de papier.

On louait jadis l’originalité des imitations de Boileau, et il est merveilleux qu’il ait pu faire passer dans ses Satires tant de morceaux de Juvénal ou d’Horace, sans que jamais on sente le placage ni la traduction. C’est qu’il ne rendait pas par un effort d’esprit l’idée d’Horace et de Juvénal ; mais quand il lisait dans Juvénal : « Si la Fortune veut, de rhéteur elle te fera consul »,

Si Fortuna volet, fies de rhetore consul,


ce n’était ni Quintilien ni des licteurs qu’il se figurait ; mais il revoyait l’ancien régent du collège de Plessis, ce cuistre de la Rivière, en robe rouge de cardinal, siégeant au Parlement parmi les pairs comme évêque-duc de Langres : et aussitôt il notait que le sort burlesque

D’un pédant, quand il veut, sait faire un duc et pair.