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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/64

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BOILEAU.

et si propre, que notre meilleur peintre de la vie ecclésiastique l’a repris dans un de ses chefs-d’œuvre : rappelez-vous l’abbé Tigrane en présence de son évêque. L’esquisse de Boileau est fidèle, impartiale, sans méchanceté, relevée tout au plus d’une pointe de gaieté malicieuse : le trait est un peu appuyé, sans devenir une charge. Comparez le Lutrin à Vert-Vert, vous en sentirez le caractère et le mérite. Vert-Vert est le modèle des contes spirituels ; il en reste des mots piquants, des idées ingénieuses et amusantes. Au lieu que le Lutrin est moins un récit, qu’une suite de croquis, où les physionomies sont caractérisées, les attitudes notées avec une vérité saisissante. Il y a là sans doute des mots satiriques, des mots de bourgeois de Paris qui a fréquenté chez Ninon : mais ce qui frappe et qu’on retient le plus, c’est une figure joufflue d’ecclésiastique, un intérieur de chambre confortable, une « cruche au large ventre » que se passent de main en main des chanoines attablés, toute une série de types et de scènes, que le crayon ou le pinceau exprimeraient plus facilement que la plume. Et nul doute que Boileau dans tout cet ouvrage ne se montre meilleur artiste que conteur. En dépit des procédés oratoires et du vieux matériel poétique dont il s’est embarrassé, en dépit même de ses intentions de faire penser des choses plaisantes, l’esprit et le comique résident souvent plutôt dans la sensation offerte à l’oreille. La parodie est dans le rythme plus que dans l’idée : du moins le