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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/67

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LA POÉSIE DE BOILEAU.

satire ou d’épître morale, on rencontre de petits tableaux d’une couleur toute réaliste : c’est le directeur malade, et toutes ses pénitentes autour du lit, dans la chambre, empressées et jalouses :

L’une chauffe un bouillon, l’autre apprête un remède.


C’est un paysan qui s’endort, comme au sermon ; je vois, lui dit-il.

Que ta bouche déjà s’ouvre large d’une aune
Et que, les yeux fermés, tu baisses le menton.


C’est un intérieur de taverne :

Et de chantres buvans les cabarets sont pleins.


L’expression est si propre, si serrée, si objective, qu’aussitôt on a le tableau devant les yeux : dans la noirceur enfumée du fond éclatent les trognes vermeilles, et l’éclair d’un verre ou d’un broc à demi rempli qu’on soulève.

Il n’y a même pas d’esprit dans tout cela, ou s’il y en a, c’est de l’esprit de peintre, un esprit qui n’est pas dans les idées, leurs qualités et leurs rapports : il est dans le coup de crayon, dans le trait qui accuse un contour expressif, dans le rendu dont la vigoureuse fidélité fait le comique. Que nous sommes loin ici de Saint-Amant, de Scarron, et même de Régnier ! Plus d’exaltation lyrique, plus de fantaisie truculente : nul élément subjectif ne s’insinue dans cette poésie. Et c’est précisément ce qui nous empêche de rendre justice à Boileau. Habi-