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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/70

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BOILEAU.

savante des preuves, Boileau se trouve assez mal à l’aise dans son rôle d’orateur moraliste. Ce n’est pas la causerie facile d’Horace, si finement liée par l’unité de la pensée qui suit sa pente naturelle : ce n’est pas la déclamation fougueuse de Juvénal, entassant avec rage faits sur faits, invectives sur invectives, pour enfoncer dans l’esprit du lecteur le sentiment qui l’échauffé. Dans Boileau, nulle suite naturelle de raisonnement ; point de tissu serré d'arguments ; point de courant continu de passion. Auprès de lui, Régnier même nous fait l’effet d’avoir de la suite dans les idées et d’être un fort logicien.

Il n’est pas étonnant que les transitions lui donnassent tant de peine, et qu’il les estimât « le plus difficile chef-d’œuvre de la poésie ». Les transitions n’ont jamais tourmenté un orateur, ni un homme qui écrit de passion. Elles ne gênent que ceux à qui le détail fait prendre la plume, et qui fabriquent leur ouvrage de pièces patiemment rapportées. Ainsi sont faites les Épîtres et les Satires, où les coutures sont vraiment trop nombreuses et trop apparentes. Sainte-Beuve n’avait pas tort de croire que Despréaux avait composé l’Épître à Arnauld pour encadrer deux tableaux qui lui plaisaient, la fuite légère du temps, et la lente allure du bœuf de labour. Ne faisait-il pas une Épître pour introduire une courte fable ? En réalité, l’idée générale est peu de chose pour Boileau : l’important pour lui, ce sont les couplets, les images qu’elle relie. Et nulle part, la pièce ne fait tant d’effet que lorsque l’idée géné-