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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/72

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BOILEAU.

presque jamais de vue les tours de Notre-Dame, prit le ton dolent d’un provincial réveillé trop tôt, qui regrette le silence morne de sa petite ville : cela, c’était l’idée, et une idée morale, qui faisait de l’impression une démonstration. Pour nous mettre sous les yeux toute une série d’études de femmes, qu’il avait en portefeuille, il imagina de haranguer un ami fictif, supposé enclin à se marier ; il se donna un caractère déplaisant de célibataire grincheux : mais au moins, d’une suite de portraits, il avait fait un sermon et une Satire. Boileau ne sut pas non plus maintenir son style purement et franchement réaliste. Il l’altéra par l’emploi de la rhétorique, de l’esprit, de toutes les formes et tours qui ne conviennent qu’à l’expression des idées. On est souvent étonné de voir l’image s’achever en abstraction, et la vision concrète s’évanouir dans une froide analyse : c’est l’homme qui pense, le moraliste qui fait obstacle au peintre. L’idée chasse la sensation, et la notion de vérité ou d’erreur, de bien ou de mal, vient se jeter à la traverse d’une perception de forme et de couleur. D’autres fois, le poète ne peut se tenir d’ajouter un trait plaisant à l’image qu’il évoque : c’est comme une intention littéraire en peinture, et cette voix qui veut nous amuser, nous distrait de la contemplation de l’objet qui d’abord avait été seul mis devant nos yeux. Il est aussi arrivé à Boileau de s’applaudir d’un tour élégant, d’une périphrase ingénieuse, d’une allusion noblement enveloppée, dont il avait désigné sa perruque, ou la mousqueterie, ou