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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/81

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

que, ils en tenaient tous les genres, et réunissaient tous les défauts qui la caractérisaient. Saint-Amant avait l’outrance triviale et la description intempérante ; Desmarets, la négligence plate ; Scudéry, la facilité lâche ; Cotin, la préciosité pointue ; Chapelain, le prosaïsme laborieux. Tous abondaient dans leurs défauts naturels, ou se travaillaient à exagérer la mode du bel esprit dont le public était engoué. À ces académiciens, Boileau adjoignait Quinault, le maître de la tragédie doucereuse, puis la précieuse et raisonneuse Mlle de Scudéry, si experte à diluer en dix volumes d’un roman le mélange des aventures impossibles et des sentiments outre nature.

À qui donc allait l’éloge, si tous ceux qu’on estimait le plus étaient censurés ? Aux anciens, à quelques modernes, comme Racan ou Corneille, Malherbe ou Voiture ; mais, aussi, et d’une façon particulièrement significative, à quelques auteurs nouveaux, de mérite encore contesté ou obscur, et dont surtout on ne s’avisait pas encore qu’ils fussent si différents des autres : un comédien poète qui venait de la province, un jeune tragique encore à ses débuts, un poète négligé qui, n’étant plus jeune, n’avait pas fait grand’chose encore : l’auteur de l’École des Femmes, l’auteur d’Alexandre et l’auteur de Joconde. Les éloges éclairant les attaques, le public sentit que cette fois les personnalités n’étaient pas la fin et le terme de la satire, que ce n’était pas tel ou tel auteur, mais toute une littérature, toute une doctrine et toute une forme du goût qui étaient