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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/99

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

Donc la raison fait la beauté. Mais la beauté, c’est la vérité :

Rien n’est beau que le vrai….


Mais le vrai, c’est la nature :

La nature est vraie.…


Raison, vérité, nature, c’est donc tout un, et voici le terme où l’on aboutit. Sous ces mots abstraits de raison et de vérité, ce n’est pas la froideur de l’imagination ni la sécheresse scientifique que Boileau prescrit aux poètes : c’est l’amour et le respect de la nature. Ainsi cette théorie de la poésie classique, dont on accuse le plus souvent l’étroitesse, et qu’on fait presque consister dans l’horreur du naturel, est une théorie essentiellement et franchement naturaliste : c’est tout ce que veut dire, ou du moins c’est ce que veut dire d’abord l’appel incessant qu’il fait à la raison.

On comprend maintenant la portée que prend, dans l’Art poétique, après la Satire II, l’éternel débat de la rime et de la raison. Sacrifier la raison à la rime, c’est chercher la beauté ailleurs que dans la vérité, c’est tourner l’art contre son but, qui est de créer dans la forme un équivalent sensible de l’idée. Et l’on ne s’étonnera plus, aussi, de tous ces préceptes, où l’on ne voulait voir que de mortels éteignoirs de l’imagination, un effort antipoétique pour réduire le beau à la mesure du bon sens bourgeois. Mais non : tout doit tendre au bon sens, cela veut