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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/299

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Posé sur les sommets ;
Sa statue au front blanc, calme, solide et pure,
Semble un dieu qui s’assied à part dans la nature
Pour dormir à jamais.

Elle y forme des monts l’impassible couronne ;
Le nuage empourpré d’un manteau l’environne,
La lune s’y suspend,
Et la foudre du ciel, qui tonne à côté d’elle.
Sillonnant les glaciers sans qu’une onde en ruisselle.
S’éteint en les frappant.

Mais qu’un soleil ami caresse enfin la cime,
Le rocher devient flot, le dieu marche et s’anime
Sur son trône argenté.
L’esprit des eaux s’épanche avec un bruit sauvage.
Et, roulant vers la plaine, y porte le ravage…
Ou la fertilité.

Tel, dans la région des stoïques pensées.
Le héros s’est vêtu de ces splendeurs glacées ;
À voir ce front serein
Pareil aux pics blanchis, sans larme et sans murmure,
On a cru que l’amour glissait comme l’injure
Sur cet homme d’airain.

Mais que le vrai rayon vienne effleurer cette âme
Qu’un dessein généreux colore de sa flamme
Ce front indifférent,
Et vous verrez la neige en flot d’azur se fondre,
Vous entendrez ce cœur éclater et répondre
Au fracas du torrent.