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Page:Laroche - Fould - L Enfer des femmes.pdf/137

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tachait ; avant, je n’étais pas une femme, je n’étais rien. Je riais, parce que ma tristesse eût été un reproche adressé à Dieu, dont nous devons respecter les volontés. Je me disais que dès qu’ils peuvent voler, les petits oiseaux n’ont plus de famille, qu’ils s’en vont chercher leur nourriture où ils peuvent, et s’en passent quand le hasard n’en jette pas sur leur passage ; et cependant ils chantent, parce qu’ils respirent et qu’il y a du soleil. Eh bien ! moi je me comparais à eux, et je faisais comme eux. Maintenant ce n’est plus cela, je ne suis plus un petit être à qui Dieu n’a donné que l’existence ; je suis une femme, j’ai une famille, une part de bonheur. J’ai un père, je ne sais si c’est devant lui, ou pour remercier le ciel, mais je me laissai tomber sur mes genoux en sanglotant. Il vint à moi, me releva, me fit asseoir, et tâcha de me calmer. Je pris ses chères mains, je les couvris de baisers et de larmes. Je ne pouvais pas articuler une parole. Alors il me prit la tête dans ses mains et m’embrassa ! là, tiens ! à cette place.

Elle désigna du bout du doigt son sourcil gauche.

— Ce fut la première fois que je sentis ses lèvres sur mon front. Chaque jour, cent fois je me regarde dans la glace pour chercher encore la trace de ce premier baiser. Oh ! pardonnez-moi, mais je n’avais pas encore dit tout ce que mon cœur renfermait de bonheur, et j’ai peine à supporter tant de joie.