Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/139

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l’on connaît à première ni à seconde vue, et si nous ne craignions pas qu’on nous appelât téméraires, nous le comparerions de bon gré à ces tours de prestidigitation surprenants et impénétrables pour qui ignore leur artifice, qui consistant en une grandissime bagatelle ont coutume, après qu’ils sont connus, de laisser étonné de son peu de perspicacité celui-là même qui s’est creusé le cerveau pour leur trouver des causes extraordinaires. Maintes fois l’ignorance de la cause déterminante des choses nous fait croire qu’elles doivent en avoir une profonde pour se maintenir à l’abri de notre clairvoyance. L’orgueil de l’homme est tel qu’il aime mieux déclarer à haute voix les choses incompréhensibles, quand il ne les comprend pas, que de confesser que les ignorer peut dépendre de son inaptitude.

Nonobstant cela, comme chez nous autres même, beaucoup se trouvent dans cette ignorance des vrais ressorts qui nous meuvent, nous n’avons pas le droit de nous étonner que les étrangers ne puissent pas si facilement les apercevoir.

Ce fut un de ces étrangers qui se présenta chez moi, pourvu de compétentes lettres de recommandation auprès de ma personne. Des affaires de famille embrouillées, des réclamations futures, et en outre de vastes projets conçus à Paris de placer ici ses considérables capitaux dans telle ou telle spéculation industrielle ou commerciale étaient les motifs qui l’amenaient dans notre patrie.

Accoutumé à l’activité dans laquelle vivent nos voisins, il m’assura formellement qu’il pensait rester ici fort peu de temps, surtout s’il ne rencontrait pas promptement un objet sûr en quoi convertir ses fonds. L’étranger me parut digne de quelque considération,