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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/112

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RACINE.

contribué pour beaucoup à resserrer leur intimité. Elles tiennent une grande place dans leurs lettres. Ils les avaient prises fort au sérieux, et ils espéraient bien laisser à la postérité une histoire de Louis XIV, véridique malgré leur admiration pour leur héros et l’obligation de la flatterie. Ils avaient commencé par suivre le roi dans ses campagnes, et ils y avaient montré un désir méritoire de bien voir. Aucun des deux ne se piquait de bravoure, et leur existence antérieure les avait mal préparés à la vie des camps. Ils firent leur début en 1678, au siège de Gand, et s’y montrèrent fort empruntés. On plaisantait leur embarras et leur ignorance des choses militaires. Mme de Sévigné écrivait à son cousin Bussy : « Ces deux poètes historiens suivent la cour, plus ébaubis que vous ne le sauriez penser, à pied, à cheval, dans la boue jusqu’aux oreilles… Il me semble qu’ils ont assez l’air de deux Jean Doucet. » Mme de Scudéry enchérissait : « Je pense que la peur les a empêchés de rien voir. » Pradon traçait un assez plaisant portrait des deux amis dans leur accoutrement militaire :

…. Demi-soldats, l’air presque assassinant,
Les Messieurs du sublime, avec longue rapière,
Et du mieux qu’ils pouvoient prenant mine guerrière,
Alloient, chacun monté sur un grand palefroi,
Aux bons bourgeois de Gand inspirer de l’effroi.

Ils accompagnent encore Louis XIV en 1683, dans le voyage d’Alsace. Dès lors, les infirmités croissantes de Boileau le retiennent à Paris. Racine continue seul de suivre l’armée ; mais il se considère toujours comme le collaborateur de son ami,