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RACINE.

faubourg de la Pescherie ou de Saint-Vaast. C’est à l’entrée de ce faubourg, tout au bord de l’eau, que s’élevait la maison, détruite en 1865, où serait né le poète. S’il ne reste plus de cette maison qu’un élégant bas-relief de pierre, jadis placé au-dessus d’une cheminée et représentant le Jugement de Paris, du moins le site n’a guère changé. L’Ourcq coule, limpide et lent, à travers une vaste prairie, où des peupliers superbes s’alignent en rangs pressés.

L’enfant grandit dans ce coin de verdure et de fraîcheur, au milieu des eaux et des ombrages qu’il devait aimer toute sa vie. Du jardin paternel, il voyait, au sommet de la colline, comme on la voit encore, l’immense courtine du château, démantelée depuis Henri IV et tendant sur le ciel comme une draperie trouée de lumière. Monté sur le plateau, par les ruelles escarpées qui enserrent une belle église de la Renaissance, il découvrait un vaste horizon : au loin, sur l’autre versant de la vallée, la forêt de Villers-Coterets ; à ses pieds, une mer de verdure formée par les peupliers qui foisonnent dans la profonde vallée de l’Ourcq ; partout, les bourgs et les châteaux blanchissant à travers le feuillage.

Sans être de ceux qui décrivent la nature pour la décrire et en font la confidente de leur âme, Racine la sentait vivement et la tournait en poésie, dans la mesure où ses sujets le demandaient. Il goûta si bien celle qui s’était reflétée dans ses yeux d’enfant que, transplanté dans le Midi, sous un ciel plus ardent et une lumière plus vive, devant des paysages plus