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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/124

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RACINE.

de leur maison. » Mme de Caylus, surtout, pour qui Racine avait écrit le rôle de la « Piété », quoiqu’elle fût mariée et n’appartînt pas à la maison, « fit le prologue mieux que n’auroit pu faire la Champraeslé », au rapport de Dangeau, sur lequel Saint-Simon enchérit encore.

Il fallut, pour satisfaire l’empressement de la cour, donner encore cinq représentations. Le roi les suivit toutes. Les Dames de Saint-Cyr ont écrit à ce sujet :

Mme de Maintenon faisoit faire une liste de tous ceux qui dévoient entrer, qu’on donnoit à la portière, afin qu’elle n’en laissât pas passer d’autres ; et quand le Roi étoit arrivé, il se mettoit à la porte en dedans ; et, tenant sa canne haute pour servir de barrière, il demeuroit ainsi jusqu’à ce que toutes les personnes conviées fussent entrées ; alors il faisoit fermer la porte.

On peut lire, dans les Souvenirs de Mme de Caylus et les Mémoires de Mme de La Fayette, le piquant récit de ces représentations, pour lesquelles les ministres « quittoient leurs affaires les plus pressées », et aussi la lettre où Mme de Sévigné rend pour la première fois pleine justice à Racine, dans le double ravissement que lui causent la pièce et sa propre « fortune », car le roi lui a parlé, et elle a répondu avec bonheur :

Je ne puis vous dire l’excès de l’agrément de cette pièce : c’est une chose qui n’est pas aisée à représenter et qui ne sera jamais imitée ; c’est un rapport de la musique, des vers, des chants, des personnes, si parfait et si complet qu’on n’y souhaite rien ; les filles qui font des rois et des personnages sont faites exprès ; on est attentif, et on n’a point d’autre peine que celle de voir finir une si aimable