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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/125

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RETOUR À LA POÉSIE DRAMATIQUE.

pièce ; tout y est simple, tout y est innocent, tout y est sublime et touchant ; cette fidélité de l’histoire sainte donne du respect ; tous les chants convenables aux paroles, qui sont tirées des Psaumes ou de la Sagesse, et mis dans le sujet, sont d’une beauté qui ne se soutient pas sans larmes. La mesure de l’approbation qu’on donne à cette pièce, c’est celle du goût et de l’attention.

La perfection même d’un tel spectacle, l’émotion qui s’en dégageait et la qualité des spectateurs en faisaient un danger pour ses interprètes. Il fut impossible de conserver son rôle à Mme de Caylus : « Elle faisoit trop bien, elle étoit trop touchante. » Mais « les petites âmes innocentes » des élèves étaient déjà troublées. On avait soutenu les chœurs en y mêlant des chanteuses d’opéra, et c’était une dangereuse inconvenance. Très rapidement les élèves étaient devenues des actrices, préoccupées de leur succès et de la salle, quoique, avant d’entrer en scène, elles eussent l’habitude de s’agenouiller et de réciter le Veni creator. De même, Racine redevenait auteur. « Dans une représentation, dit Louis Racine, la jeune actrice qui faisoit le rôle d’Élise manqua de mémoire : « Ah ! Mademoiselle, s’écria-t-il, quel tort vous faites à ma pièce ! » La demoiselle, consternée de la réprimande, se mit à pleurer. Aussitôt il courut à elle, prit son mouchoir, essuya ses pleurs, et en répandit lui-même. » Ceci n’est que charmant, mais des passions furent causées par le spectacle. Un mariage suivit l’une d’elles, mais une autre provoqua une légèreté dont la victime fut enfermée dans un couvent pour le reste de sa vie. Une maladie de bel esprit se répandit dans la maison et faillit la gâter.