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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/135

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DERNIÈRES ANNÉES.

ques lignes, est une exacte biographie et un jugement complet. À cette date, chassés du cimetière par la profanation qui le détruisait, ses restes furent recueillis à l’église Saint-Étienne-du-Mont, où sa femme devait aussi être inhumée. En 1818, sa pierre tumulaire, longtemps abandonnée parmi les ruines de Port-Royal, y fut transportée. Un courtisan fort plat et fort médisant, le comte de Roucy, avait dit, sur les dernières dispositions de Racine : « Il ne se seroit pas fait enterrer à Port-Royal de son vivant. » Cela n’était que spirituel. De son vivant, Racine avait fait plus et mieux.

Si l’on essaye de dégager le trait principal du caractère de Racine, celui qui commande et explique les autres, on trouve la sensibilité ; sensibilité du cœur et de l’esprit, qui lui donne la foi religieuse et la passion de la poésie, le besoin du bien et du beau, lui inspire l’affection pour ses maîtres et l’éloigne d’eux lorsqu’ils veulent contraindre ses penchants, l’égare dans l’amour profondément éprouvé, le ramène au bien par le remords, le repose dans les affections de famille, le rend impatient et prompt à la riposte avec ses ennemis, docile et reconnaissant avec ses amis, le conduit de la malignité à la bonté. C’est la sensibilité qui, en poésie, le fait passer du goût précieux au goût antique et, finalement, l’élève au niveau de la grandeur biblique. Cette sensibilité est tantôt tendresse et tantôt ironie, tantôt grâce élégante, tantôt grandeur tragique, tantôt pudeur et tantôt passion. Boileau a pu dire que Racine était venu à la vertu par la religion, après que « son tempérament » l’eut égaré. Cela est vrai, en ajoutant que