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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/136

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RACINE.

sa manière d’entendre la religion venait aussi de son tempérament, c’est-à-dire de sa sensibilité. Ses défauts avaient la même source que ses qualités ; les mêmes penchants, soumis au bien, produisaient chez lui la bonté, la paix du cœur, la résignation et l’austérité.

Racine a eu des torts dans son caractère et dans sa conduite, dans sa vie et dans ses œuvres. Il a été ingrat pour ses maîtres, impatient avec Molière, irrespectueux avec Corneille, dur pour le souvenir de la Champmeslé, flatteur pour le roi. Mais il a réparé ou compensé ces fautes, et toujours elles eurent leur explication ou leur excuse dans une erreur de sensibilité. Il a donné dans le faux goût ; il a voilé une force qui eût gagné parfois à moins d’enveloppement ; il a eu quelque timidité de forme et un excès de poli. Mais la même délicatesse qui l’avait égaré le ramenait vite, et elle lui évitait les excès où pouvait le conduire la hardiesse de ses sujets.

Peu de caractères et de génies sont de qualité aussi fine et aussi forte, aussi noble et aussi pure. Ce grand homme était un homme, et ce grand poète un homme de lettres. Mais il n’y a guère d’écrivains qui, avec les défauts inséparables de notre nature et de sa profession, offrent autant à admirer et aussi peu à blâmer.