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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/142

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RACINE.

timent de la famille ; dans Cinna, le devoir filial et la clémence luttent contre l’amour et la vengeance ; dans Polyeucte, l’enthousiasme religieux lutte contre l’amour conjugal.

Racine prend la tragédie au point où Corneille l’a portée ; mais, par le fait du progrès réalisé et de son génie propre, il observe avec une aisance parfaite les lois qui gênaient son devancier. En outre, l’âme qu’il donne à sa tragédie est toute différente de celle qui inspire la tragédie cornélienne. À l’héroïsme, c’est-à-dire à la volonté luttant contre la passion, il substitue la passion et, au premier rang, l’amour, tendant à se satisfaire. Il maintient la volonté comme ressort principal de l’action, car l’intérêt dramatique résulte surtout d’un conflit de volontés, mais il l’emploie autrement : il la montre luttant contre les obstacles qui s’opposent à la passion.

Cette manière nouvelle d’entendre la tragédie résulte, en grande partie, de la double éducation, janséniste et grecque, reçue par Racine.

Les trois unités ont pour but d’en produire une seule, l’unité d’intérêt, et elles atteignent ce résultat par la simplicité logique de l’action. Simplicité et logique sont des qualités grecques par excellence. Or on a vu quelle connaissance du grec Port-Royal avait donnée à Racine. Le poète ne cesse de se proposer pour modèle la pure beauté hellénique, et l’on a vu ses déclarations à ce sujet.

De là une entente de la tragédie qui est juste l’opposé du procédé cornélien. Il fallait à Corneille des sujets « chargés de matière », des faits exceptionnels, une intrigue compliquée, des coups de