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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/152

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RACINE.

éléments psychologiques plutôt que des moyens d’intérêt matériel.

Pour faire agir les passions avec cette justesse, le poète les prend à leur maximum d’énergie. Les personnages, au lieu de s’analyser et de se raconter, se font comprendre par leurs actes. Ils sont tout passion, et si le poète voit très clair dans les mobiles de leur conduite, ils sont trop occupés d’agir pour se démontrer. Autant les héros de Corneille sont raisonneurs, autant ceux de Racine le sont peu. Si ces derniers discutaient avec eux-mêmes, ils seraient effrayés de ce qu’ils disent ou font, et ils s’arrêteraient. La plupart pourraient dire, comme Hermione :

Je crains de me connaître en l’état où je suis.

Chacun d’eux est comme la démonstration vivante d’une passion, un cas, comme disent les pathologistes. Ils ne s’attardent à rien d’inutile ; ils vont jusqu’au bout de l’impulsion reçue. De là vient la structure serrée des tragédies de Racine et leur rapidité d’action. Il n’y a pas chez lui de scènes inutiles ; le drame marche sans dévier, sans hâte ni lenteur, avec les degrés naturels d’énergie, les rémissions et les recrudescences des passions mises en jeu.

Aussi Racine choisit-il ses sujets de telle sorte que ce soit pour les passions une nécessité d’aboutir, au moment où un conflit suprême s’engage entre elles. Chez lui surtout, selon le mot de Gœthe, la tragédie est « une crise », c’est-à-dire chose serrée, rapide et violente. De là vient la facilité avec laquelle il observe les unités. Au moment où le