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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/158

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RACINE.

connaisse, on verra fort bien que je les ai rendus tels que les anciens poètes nous les ont donnés. » Mais, entre les éléments divers de la légende, il choisit ; il prend les plus purs, c’est-à-dire les plus conformes aux préférences de son âme : « Andromaque ne connaît pas d’autre mari qu’Hector, d’autre fils qu’Astyanax. On ne croit point qu’elle doive aimer ni un autre mari ni un autre fils. » On remarquera ces mots : « On ne croit point⋅… » Racine, en effet, se règle sur l’opinion commune au sujet de ses personnages, et, en cela, il fait preuve d’un grand sens dramatique : le public ne s’intéresse qu’à ce qu’il connaît. Pour Iphigénie, il a passé en revue les différentes versions du fameux sacrifice, et il s’est arrêté à la seule que puisse admettre le goût de son temps : « Quelle apparence que j’eusse souillé la scène par le meurtre d’une personne aussi aimable et aussi vertueuse qu’il falloit représenter Iphigénie ? » Même le personnage d’Ériphyle, « sans lequel, dit-il, je n’aurois jamais osé entreprendre cette tragédie », cet « heureux personnage » qui lui fournit un de ces caractères de femmes jalouses où il excelle, repose sur une autorité ancienne. Dans Phèdre, il s’est « très scrupuleusement attaché à suivre la fable », mais il s’est appliqué à rendre son héroïne « un peu moins odieuse qu’elle n’est dans la tragédie des anciens ». S’il fait Hippolyte amoureux, ce n’est pas seulement pour éviter les railleries des « petits maîtres », c’est qu’il a besoin de donner une rivale à Phèdre, pour exaspérer sa passion par la jalousie, mais ce n’est pas sans une autorité, et il la cite.