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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/165

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LES SUJETS.

même que, sous la plus brillante parure, le corps humain conserve sa physiologie, de même, sous leurs façons de dire, se retrouvent les sentiments éternels de l’âme humaine. Je montrais plus haut que les sujets de Racine se rencontrent dans la vie de tous les jours. On pourrait de même traduire en langage ordinaire le style noble et nuancé qui les revêt.

Comme tous ses prédécesseurs. Racine a fait de l’amour le ressort de sa tragédie, le sentiment autour duquel se groupent tous les autres et qui, plus ou moins, se les subordonne tous. Mais, plus qu’aucun d’eux, il a marqué cette suprématie. Corneille ne s’y était pas trompé, et l’on a vu plus haut sa déclaration à propos d’Alexandre. Chez lui, l’amour est subordonné, même dans le Cid, l’amour ne triomphe qu’après avoir cédé le pas au devoir. Avec Racine, au contraire, l’amour est bien la « dominante ». De là un profond changement, dont Napoléon Ier indiquait la cause, non sans injustice pour le poète :

Bien que Racine, disait-il, ait accompli des chefs-d’œuvre en eux-mêmes, il y a répandu néanmoins une perpétuelle fadeur, un éternel amour, et son ton doucereux, son fastidieux entourage ; mais ce n’était pas précisément sa faute, c’était le vice et les mœurs du temps. L’amour alors, et plus tard encore, était toute l’affaire de la vie de chacun. C’est toujours le lot des sociétés oisives.

En effet, depuis que Louis XIV avait imposé à la noblesse une existence brillante et vide, de plus en plus la grande affaire était d’aimer. Ce besoin remontait au temps où, après les longues