Aller au contenu

Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
RACINE.

le plus grand danger de l’homme, s’appuie sur elles en les dominant. Aussi Racine a-t-il pu, cette fois encore, se servir comme ressorts principaux de sentiments féminins, le dévouement à la race chez Esther, le besoin de domination chez Athalie.

De tous ces sentiments, l’amour est le plus important chez les femmes ; aussi les amoureuses sont-elles les plus nombreuses dans le théâtre de Racine, et, au premier rang, les passionnées, celles qui n’ont d’autre but que de conquérir ou de garder un amant : Hermione, Bérénice, Roxane, Phèdre. Pour elles, l’amour n’est pas le rêve pudique et le désir chaste, mais la possession complète d’un cœur et d’un corps.

Racine unissait beaucoup de délicatesse au penchant vers l’amour, et son temps, après les hardiesses de la première moitié du siècle, observait au théâtre une réserve scrupuleuse à l’égard des situations risquées. Aussi, deux de ces caractères, ceux d’Hermione et de Bérénice, conservent-ils, en apparence, beaucoup de retenue : Hermione n’est qu’une fiancée, et Racine imagine une Bérénice « qui n’a pas avec Titus les derniers engagements ». C’est pour le même motif que, dans le Misanthrope, Molière n’engageait Célimène que par correspondance. Mais, au fond, la situation de Célimène envers Alceste est celle qu’Alexandre Dumas fils a poussée jusqu’au bout dans le Demi-Monde. En observant une réserve du même genre, plus nécessaire encore dans la tragédie que dans la comédie, Racine a voulu mettre en scène deux femmes, non deux jeunes filles. Seules, les femmes qui se sont créé des droits par le don