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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/175

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d’elles-mêmes peuvent mettre dans la défense de ces droits l’âpreté ou la confiance d’Hermione et de Bérénice. Telle est bien la portée des deux rôles ; leur conduite l’indique, et, surtout dans celui d’Hermione, nombre de vers la précisent. Le désespoir d’Oreste n’est aussi violent que parce qu’il sait, lui aussi, à quoi s’en tenir. Quant à Titus, il habite avec Bérénice depuis cinq ans.

Hermione et Bérénice ont encore ceci de commun qu’elles ne vivent que pour leur amour, que, sans lui, elles n’attachent de prix à rien et que, pour lui, elles sont prêtes à tout sacrifier. La première, princesse royale, ne se souvient de son rang que pour rappeler à Pyrrhus les obligations que ce rang lui crée envers elle ; elle l’a oublié tant qu’elle s’est crue sûre du cœur de Pyrrhus ou qu’elle a espéré le ramener. Lorsque, à bout d’espoir, elle commande à Oreste de tuer l’infidèle, pas un moment l’idée de ce qu’un tel crime a d’effroyable, de ses conséquences pour elle, sa famille et son pays, n’intervient dans sa délibération morale. Elle ne songe qu’à sa passion. Bérénice, la juive, est parfaitement désintéressée de tout ce qui n’est pas le cœur de Titus. Son amant dit de cette parfaite amante :

Elle passe ses jours, Paulin, sans rien prétendre
Que quelque heure à me voir et le reste à m’attendre.

Elle-même, à l’annonce des largesses de Titus, lui répond :

Depuis quand croyez-vous que ma grandeur me touche ?
Un soupir, un regard, un mot de votre bouche,
Voilà l’ambition d’un cœur comme le mien.
Voyez-moi plus souvent et ne me donnez rien.