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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/177

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les caractères.

qu’un poète dramatique ait gagnées. Comme aussi la précision et l’énergie des termes n’ont d’équivalents que dans la littérature française de ces dernières années ; mais, dans Racine, ces termes sont toujours dignes de la poésie, mesurés dans leur hardiesse et chastes dans leur ardeur, tandis que, chez beaucoup de nos contemporains, ils sont devenus hideux.

Hermione et Bérénice, Roxane et Phèdre sont les grandes amoureuses de Racine, de même famille, mais si individuelles que chacune est un caractère non seulement original, mais unique. Autour d’elles se groupent Junie et Iphigénie, qui incarnent l’amour ingénu ; Monime et Aricie l’amour pudique, Atalide l’amour dévoué, Ériphyle l’amour envieux. Chacune de ces jeunes filles est marquée de traits aussi individuels par son caractère et sa condition, que les femmes de tout à l’heure par la nature différente de leurs sentiments. Junie est liée à Britannicus par la communauté du malheur et du danger. Iphigénie, avant d’être amante, est fille de sang royal, et le sentiment de son rang lui donne le courage de renoncer à la vie et à l’amour. Monime, épouse désignée d’un roi et Grecque exilée chez les barbares, a la double dignité de son rang et de sa race. Elle se défend, se refuse, se promet avec une adresse, une franchise et une réserve qui font de tout son rôle un chef-d’œuvre de vérité et de tact. Aricie n’est la « triste Aricie » que dans les dernières paroles d’Hippolyte mourant. Son caractère ferme et fin, sa clairvoyance et sa prudence n’ont rien d’élégiaque. Cette jeune personne est franche et droite, mais fort avisée. À Hip-