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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/176

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RACINE.

La différence des sentiments, partant leur variété, ne vient pas des situations ; elle est dans les caractères. Hermione est violente et énergique, Bérénice douce et résignée. De là leur conduite différente : Hermione tue, Bérénice part. Au demeurant, ces deux femmes ont engagé leur destinée dans leur amour, et, cet amour brisé, elles n’ont plus, l’une qu’à mourir, l’autre qu’à disparaître.

Roxane et Phèdre portent dans l’amour le même besoin d’absolu qu’Hermione et Bérénice. Elles aussi sacrifient tout à leur passion et ne survivront pas à sa ruine. Mais Roxane ressemble à Hermione, en ce que, privée de conscience par l’amour, elle n’est retenue par rien. Phèdre est aussi tragique et révoltée que Bérénice est élégiaque et vite résignée ; elle ressemble à Bérénice et se distingue d’Hermione comme de Roxane, parce que sa conscience, pleine du remords chrétien, lutte contre sa passion.

Au demeurant, chez Phèdre et chez Roxane, l’amour et le désir parlent avec la même énergie et la même vérité ; amour et désir despotiques chez Roxane, suppliants chez Phèdre. Il faut bien, pour établir que de tels exemples de passion et de volonté sont uniques de plénitude et de hardiesse, en revenir à cette constatation que, ni dans la littérature française, ni dans aucune autre, on ne trouve rien de comparable à ce cri :

Viens m’engager ta foi : le temps fera le reste.

La déclaration de Phèdre et le message dont elle charge Œnone sont les plus redoutables gageures